Sweet Spicy People [ft. Alwyn]

Une journée comme une autre. Fort heureusement, Olympe avait eu la chance de pouvoir s’échapper de l’Etherium et du quartier dit sorcier pour mieux profiter d’Alicante. Le temps était couvert et la pluie n’allait sans doute pas tarder à tomber pour de bon. Pourtant à l’aise sous son parapluie, elle avait marché plutôt que d’emprunter un portail. La magie des portails était bien instable dans la ville des Nephilims et seule la Gare pouvait permettre un passage stable, mais elle ne desservait pas l’endroit. Le plus simple était de marcher, trouver un vélo ou passer par la voie fluviale et les canaux qui serpentaient dans les rues. Ainsi, en bonne femme du monde, elle ne se ridiculiserait pas sur un vélo — elle ne savait d’ailleurs pas réellement en fait.

Mais la raison de sa fuite dans le quartier Lycan — en dehors des étales délicieuses de leur marché couvert — était guidée par un choix fait en fin de la semaine passée. Un choix qui avait autant interpellé ses grands sorciers de quartier, que ses assistants ou bien même Arthur. Depuis Davina, Olympe n’avait pas eu d’élèves, d’apprenti pour être exacte. Pas de désigné officiellement. C’est au milieu de l’été qu’elle avait donné l’opportunité à un sorcier ou une sorcière d’avoir cette place. Certains pouvaient la juger prestigieuse vu son rang dans la Cité de Verre, d’autres non. C’est pour ça qu’elle avait choisi une personne totalement désintéressée. « Il y avait des foules de gens qui voulaient devenir ton apprenti, mais tu as choisi la seule personne qui s’en fichait. » C’est ce qu’on lui avait longuement reproché dans les couloirs de l’école de magie, mais également dans son bureau — même chez elle en la compagnie d’Arthur. Ce à quoi, elle avait finalement répondu. « Eh bien, cette personne ne se soucie pas du pouvoir, alors elle n’en abusera pas. » Et la question était close. Pourtant, Olympe sentait toujours le regard accusateur.

Alors elle avait passé la journée relativement seule — vu sa condition, elle ne profitait pas énormément de la joie de l’intimité ces derniers temps. Et c’était dirigé ici alors que le jour venait de mourir. On voyait de tout ici. Des loups, des vampires, des humains… Et tant encore. La vie était vraiment cosmopolite comme jadis elle pouvait l’être lorsque les Cours d’Europe se mélangeaient l’une à l’autre dans un étonnant canevas. Elle n’espérait croiser personne à vrai dire. Olympe voulait surtout trouver quelques épices, des denrées que Gloria n’aurait pas à aller chercher. Elle voulait profiter d’Alicante. Après tout, elle ne se sentirait jamais chez elle, pas comme elle l’était à Rome ou Saint-Malo. Alors, autant apprivoiser l’endroit le plus possible pour le rendre vivable et oublier les horreurs de la guerre.

La blonde aurait pu aller rencontrer Onyx, mais elle n’en était pas capable ou bien pas encore. Parfois, elle croyait voire la silhouette d’Hadrian sortir de derrière une arche, entendre sa voix. Ses démons la hantaient autant qu’Asmodée se plaisait à la faire quelques nuits par semaine. Le temps était précieux et Olympe le savait parfaitement. Elle aurait voulu passer outre, mais le deuil était toujours compliqué, voire complexe. Dans ces circonstances, il était encore plus.

Et elle était là, devant un étal, perdu dans la contemplation d’une pomme, qu’elle tenait entre ses mains gantées.

Trop réfléchir était à la fois le signe d’un mal-être, mais également d’un besoin de perfectionnisme. Sans doute qu’Olympe était dotée de ces deux traits. Mais elle ne trouverait jamais la vérité dans un étal de fruits et de légumes. Très franchement, elle ignorait le temps et depuis combien de temps elle était là. De toute façon, elle aurait pu rester une éternité que rien n’aurait changée. Quoique… elle serait morte. À l’inverse des enfants de la nuit, elle était mortelle et immortelle. Ils étaient nettement moins faciles à tuer qu’une sorcière vu que les possibilités d’assassinat restaient plus faibles. Mais en y pensant, elle ne revoyait que la racine qui se plantait dans le torse d’Hadrian. Ce jour-là, il y a cinq ans, elle avait perdu un tiers de son âme. L’un lui était resté, l’autre appartenait depuis toujours à Onyx. C’était parfois difficile de réapprendre à respirer, parfois tout semblait insurmontable. Mais comme à l’époque, elle s’était enfouie dans le travail et les autres pour oublier son mal être.

La pomme dans la main, elle ne remarque pas le monde autour d’elle, surtout pas l’homme au-dessus de son épaule. Si était à une distance respectable, mais assez pour l’entendre dire. « Je crois qu’elle a assez rougie à force de se faire fixer ainsi vous ne croyez pas ? » En un instant, le monde recommence à tourner et la vie et le brouhaha du marché se retrouver dans les oreilles de la blonde. Un léger sursaut trahit son retour dans le monde, alors qu’elle serre la pomme dans sa main comme pour s’ancrer fermement dans le réel. Elle laisse s’échapper un soupire amusé. Fermant les yeux. « J’espère ne pas l’avoir trop maltraité. » Fait-elle en tendant une pièce de monnaie à tenancier de l’étal, ne prenant que le fruit. Elle en aurait assez pour ce soir avec tout ce que Gloria avait dû lui préparer. Et finalement, elle se retourne vers la personne qui l’a sortie de sa torpeur.

« Merci. » Articule-t-elle simplement. C’était un homme, grand, bien plus grand qu’elle — mais rien n’était difficile avec Olympe de ce point de vue, elle qui était à peine plus haute que trois pommes. « Je remarque que si je fais rougir les pommes, voilà que vous avez dévalisé ces pauvres commerçants. Vous semblez presque être dans la restauration. » Elle se trompait surement. Mais rien de très important. Est-ce qu’elle devait simplement se présenter face à une rencontre fortuite telle que celle-ci ? Sans doute. Sa réputation dépendait de sa gentillesse. « Je m’appelle Olympe. Je vous suis redevable pour m'avoir sortie de ma torpeur. » Un service qui serait petit, mais elle n’avait qu’une parole la sorcière.