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Es el viento que me manda y que borra el camino • Althea

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Luan Orozco
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Es el viento que me manda y que borra el camino


@Althea Garcia  | septembre 2022




Une pluie fine tome doucement sur la cité de verre, mais cela ne nous empêche pas d'avancer d'un pas traînant sur le pavé du quartier sorcier. Presque collée contre ma cheville, Pola trottine à mes côtés, elle sent la nervosité qui tire les nerfs et tente à sa façon de me remonter son soutien. La capuche de mon pull n'empêche pas l'humidité de gagner mes cheveux, dessinant des boucles plus marquées encore que d'ordinaire sur mon front, ombrageant un regard déjà sombre. Je n'aime pas venir ici, et même si mon cher colocataire qui me traîne par ici aujourd'hui a fini par deviner ce désamour à force de me fréquenter, il n'en connait pas les raisons. Et n'a jamais cherché à les demander. Ça fait partie de ses qualités principales par ailleurs, son respect mutique de tous mes zones d'ombres et de mes non réponses. Un respect mutuel et réciproque qui nous convient bien et qui solidifie chaque jour un peu plus les bases de cette improbable colocation. Un respect duquel découle directement notre balade d'aujourd'hui dans un quartier que j'évite d'ordinaire. N'importe qui d'autre que lui m'aurait proposé d'aller faire quelques prospections dans ce coin-là se serait pris un non froid et sans appel. Mais il faut croire qu'il parvient à me convaincre de faire des choses éloignées de mes habitudes. Je soupire néanmoins, lui jetant un regard en coin passablement exaspéré alors qu'il s'arrête une nouvelle. « Me fais pas ces yeux-là, promis c'est la dernière adresse que j'ai repéré. On entre, on demande s'ils aiment la musique, et après on retourne à l'appart regarder un film. » Je lève les yeux au ciel avant de pousser la porte de l'établissement sans même vérifier le nom inscrit sur les panneaux. Le Luan d'il y a cinq ans m'aurait sans aucun doute mis un coup de poing dans les côtes d'avoir autant accepté de baisser ma garde avec lui. Pourtant j'entre, la confiance entièrement acquise à cet homme qui ne me suis pas quand je fais quelques pas à l'intérieur. C'est le petit jappement presque interrogatif de Pola qui me fait tourner la tête en arrière dans une soudaine montée de nervosité. Je vois son visage espiègle dans l'embrasure de la porte qu'il retient encore, savourant probablement l'effet de ce qu'il s'apprête à dire. Sa voix murmure, rapide, fleuve enthousiaste trop fier de sa supercherie et mon sourcil se arque sous la surprise. « Me mets pas en pièce quand tu rentreras à l'appart, mais je t'ai fait un petit cadeau pour te remercier de m'avoir accepté dans ta coloc ! C'est pas grand chose, alors profite bien. Juste un petit cours de découverte de cuisine comme tu parlais l'autre fois que tu y pensais. Amuse-toi bien ! Et essaie de pas tuer tout le monde avec ton adorable regard noir que tu es en train de me lancer. See you. » Mes mâchoires se sont contractées, accentuant la ligne étroites de mon visage mince. Je ne songe même pas à répondre, partagé entre l'agacement de m'être laissé surprendre aussi facilement, et l'amusement de cette prise de risque considérable de sa part. Il va s'en dire que j'aurais ma vengeance, quand le temps sera venu. Mais en attendant, je dois reconnaître que son plan était rudement bien pensé. Il a tout fait pour endormir ma vigilance en me traînant de bars en bars pour prospecter, réellement, pour de prochaines soirées, tout en me menant discrètement vers la véritable destination. Habile. Téméraire, mais remarquable. Je jette un regard narquois vers la petite chienne qui a levé sa truffe vers moi, perplexe de cette porte qui s'est refermée sur notre colocataire. Un bruit derrière moi me fait revenir à l'instant présent et prendre conscience de sa phrase et de ses significations. Une inscription dans un cours de cuisine, de découverte il avait dit. La belle affaire. L'attention est touchante, je dois bien lui accorder ça aussi, et dans un soupir j'indique à Pola la direction à suivre tout en retirant la capuche trempée de ma tête. Les doigts qui passent dans les boucles tentent vainement de le remettre un peu d'ordre présentable, mais les gouttes qui s'en échappent ne font que rajouter une allure globale de chien mouillé qui colle parfaitement avec l'odeur qui émane du poil de l'animal fauve à mes côtés. « Lo siento por ti Pola, no tengo toalla. » Le murmure filtre à travers mes lèvres tandis que nous nous dirigeons vers la salle principale plongée dans un calme relatif. En plein milieu d'après-midi, les établissements n'ont pas encore ouvert au public pour les restaurations du soir, et les seuls autres personnes présentent sont, je le présume, deux autres personnes inscrites pour ce même cours de cuisine. N'ayant aucune idée de l'heure à laquelle celui-ci est censé commencer, je ne sais pas si je suis en retard, en avance, ou pile à l'heure. Mais connaissant le cher investigateur de cette supercherie, je dois être juste à l'heure. Un mouvement du côté des cuisines m'indique que quelqu'un s'apprête à passer les portes de celles-ci et instinctivement je porte un regard en coin dans cette direction, avant de me figer sur place. Les gestes, rapides et instinctifs, se succèdent avant même que la personne ait pu poser ses yeux sur le trio que nous formons. Un rapide glissement de côté puis en arrière pour tenter, inutilement, de disparaître derrière les deux autres corps, avant de rabattre ma capuche humide sur mes cheveux, la laissant retomber le plus bas possible jusqu'à l'orée de cils. Contre mes chevilles, Pola s'est collée à moi. Elle a senti le changement d'humeur avec sa rapidité canine et son odorat ne la trompe jamais quand une poussée de nervosité embrase mes nerfs comme c'est le cas présentement. Mon regard devenu fuyant se prend de passion pour la contemplation de mes baskets grises passablement propres. Il ne faudra pas longtemps pour qu'Althea me remarque tellement je dénote avec le style de son établissement, et celui des deux autres comparses. Marica. J'aurais dû faire plus attention à l'endroit où on m'avait fait mettre les pieds. Sur ma tempe, la veine palpite de rage contre mes propres manquement et un gout de fer roule contre mon palais. Si Nerea avait été là, elle aurait fait claquer sa langue de dégoût et cette certitude est un glaçon qui court le long de mon échine. J'ai faillit à ses enseignements en me laissant distraire par un terrestre. Et maintenant je me retrouve face à des conséquences d'autres actes passés qui me rongent encore aujourd'hui de culpabilité. Mais il est trop tard pour reculer, et j'attends, aussi invisible et immobile que possible, la suite.




traduction:



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Althea Garcia
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@Luan Orozco

Installée dans la cuisine du Mystic Café, Althea prend une grande inspiration avant de relire pour la trentième fois le programme prévu pour le stage de découverte de la cuisine qu'elle a accepté de diriger ; la gastronomie est un monde vaste, notamment la gastronomie moléculaire, mais comme il s'agit d'un stage de découverte, il va falloir qu'elle élague énormément son propre savoir pour le mettre à la portée de son public. Bon, elle devrait pouvoir s'en sortir malgré tout, après sa relecture, elle relève la tête avec satisfaction ; elle est prête, elle va pouvoir accueillir ceux qui se sont inscrits, et pour les accueillir, rien de mieux que des apéritifs déstructurés pour leur montrer ce qu'il est possible de faire grâce à la cuisine moléculaire.


Une fois les apéritifs préparés et présentés sur le comptoir, accompagnées de boissons diverses et variées, la louve retire son tablier et se prépare à accueillir les inscrits dans son établissement, ouvrant les portes du Mystic Café avant de retourner en cuisine pour finir de nettoyer. Lorsqu'elle revient, elle fronce légèrement les sourcils en avisant une silhouette familière parmi les personnes présentes, mais elle se reprend et sourit avant de leur lancer :


Bien le bonjour ! Et bienvenue au stage de découverte de la cuisine moléculaire. Je me présente, Althea Garcia, tenancière du Mystic Café. J'espère que vous allez bien et que vous allez apprécier ce stage. Avant de commencer, profitez des apéritifs que je vous ai préparé, et dites-moi ce que vous savez de la cuisine au sens large.


Son regard s'attarde sur Luan, et elle lui adresse un sourire doux et triste ; ils ne s'étaient pas vus depuis que Luan s'était rallié à Javier pour faire face à Enrique, et si elle n'a pas compris ses motivations, elle espérait malgré tout qu'ils pourraient en discuter, afin qu'il sache qu'elle lui pardonnait. Parce qu'il est de sa famille, et en plus de la même meute qu'elle, elle ne peut donc pas l'ignorer... Et quand bien même elle le pourrait, elle ne le veut pas, tout simplement.

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@Althea Garcia  | septembre 2022




Les autres participants ont commencé à chuchoter doucement en attendant le retour d'Althéa, du moins c'est ce que je comprends. Quelques mots filtrent jusqu'à moi même si je reste à l'écart du groupe, dissimulant tant bien que mal ma grande taille derrière les autres personnes présentes. Ils parlent d'apéritifs et de petites choses à déguster, d'espoirs de pouvoir y goûter bientôt, et de chance d'être là. Mes propres sentiments sont partiellement mitigés concernant ma présence dans un tel lieu réputé pour sa haute gastronomie. Etonnamment dirigée par une louve, en plein cœur du quartier sorcier. Trop d'éléments diverses m'empêchent de profiter de l'instant présent. Trop d'ombres du passées qui griffent mes os dans un silence glacial. « Bien le bonjour ! Et bienvenue au stage de découverte de la cuisine moléculaire. Je me présente, Althea Garcia, tenancière du Mystic Café. J'espère que vous allez bien et que vous allez apprécier ce stage. Avant de commencer, profitez des apéritifs que je vous ai préparé, et dites-moi ce que vous savez de la cuisine au sens large. » Sa voix rompt les murmures et attire toutes les attentions. La mienne, toujours fixée sur l'incroyable propreté du sol fracture un peu plus le fossé entre les autres participants et moi. Pola qui ne perd pas une miette de la nervosité qui ronge mes nerfs presse un peu plus son corps chaud contre mes mollets, le regard levé vers moi. Est-ce qu'elle a reconnu Althea aussi ? Rien dans son comportement ne le laisse supposer, si ce n'est ses oreilles relevées. Elle écoute, attentive. Peut-être tente-t-elle de resituer dans sa mémoire de chien où elle a entendu cette voix qui peut lui sembler familière. Six années au moins séparent notre dernière véritable rencontre. Même si nous l'avons déjà aperçue dans la meute à Alicante, j'ai toujours pris soin de rester en retrait. De choisir les places les plus éloignées d'elle. De l'éviter, avec le même acharnement que j'évite son frère.

Je déteste me laisser surprendre ainsi, tout comme j'ai détesté me faire rouler par Javier à l'époque. Deux sentiments brûlants qui rougeoient sous les cendres chaudes de mes émotions. Il suffirait d'un rien pour allumer le brasier que je ne suis pas sûr de parvenir à contrôler. J'inspire lentement tandis que le groupe se met en mouvement vers le comptoir où ont été disposés les plateaux et les boissons. Tout en restant en retrait, je me joins au mouvement de foule pour ne pas risquer de me retrouver trop à l'écart non plus et de laisser une opportunité à Althea d'engager la conversation. Je n'ai pas besoin de lever les yeux pour sentir son regard sur moi, je le devine, il me pique comme les épines d'une rose glacée. Est-ce qu'elle risque de me demander de partir ? Ce serait légitime de sa part. Je le comprendrais. Il faudrait, le cas échéant, que je trouve une excuse auprès de mon colocataire. Un mensonge qui me dégoûte déjà. Encore un truc que je déteste, mentir frontalement aux personnes qui me sont proches. Omettre des choses, c'est facile et cela n'engage à rien, mais masquer la réalité sous de faux témoignages c'est toujours s'exposer à une révélation ultérieure chargée de rancœur et de désastres. Mierda.

Je m'approche donc, malgré moi, la capuche toujours enfoncée sur la tête, un chien humide sur les talons qui laisse quelques traces sur le sol qui était si propre. A peine arrivé près des petits entremets joliment disposés - il faut reconnaître un travail fin et délicat - une voix s'élève dans le petit groupe me faisant réaliser que j'avais déjà oublié la question d'Althea et le principe même du stage de découverte auquel on m'a inscrit par surprise. « La cuisine est un art fin et délicat, un savant mélange de chimie qui permet de mettre en avant des goûts que seuls les meilleurs palais savent apprécier. C'est toute la différence entre une cuisine quotidienne et une cuisine d'exception comme la vôtre qui ne peut être apprécié que par ceux qui savent la décoder. » Je ricane, de façon incontrôlable, d'un souffle froid et sec. Il ne manquait plus que cela pour parfaire le tableau général, la présence d'au moins un gars pompeux - probablement né avec une cuillère en argent sur son meilleur palais - pour passer de l'huile sur le dos de sa cheffe culinaire préférée. Ce dernier adjectif est peut-être exagéré, mais l'emphase qu'il a mis dans sa phrase me laisse supposer qu'il considère Althea Garcia comme une personne respectable dans l'art culinaire. Ma réaction m'attire quelques regards qui restent pour l'instant curieux, mais que j'imagine facilement tourner vers le mépris dans quelques instants. Mon visage se lisse, le masque reprend ses marques et je hausse les épaules avant d'attraper un premier apéritif audacieux et de l'examiner avec attention, fuyant toujours le regard de la louve. Puis, d'une voix plus neutre et plate que le sol sur lequel on marche, je lance à mon tour, aussi bien pour le gars qui voudrait se croire intelligent que pour Althea : « L'essentiel c'est d'avoir un bon couteau. » L'infime ironie perce dans l'ombre obscure d'un sourire sans joie, presque triste. Je marque une très légère pause comme pour prendre le temps de réaliser moi-même ce que je viens de dire, avant de reprendre sur le même ton : « Et une casserole qui vaille le coup, et idéalement des bons ingrédients. Sans ça, tu auras beau avoir le plus fin palais d'Alicante, tu feras rêvé personne à par ton égo. M'enfin c'est que mon avis, j'y connais pas grand chose j'ai jamais pris de cours de cuisine. » Une vérité dont je n'ai pas honte, jamais. J'ai déjà à peine pris le temps de prendre des cours, de tout, alors de cuisine...Il aurait fallut de l'argent pour cela, une famille, et l'absence de guerre. L'inverse de tout ce que j'ai vécu en somme. Je hausse une nouvelle fois les épaules avant de croquer avec envie dans l'apéritif détenu entre mes doigts. Parler de cuisine me rappelle soudain à quel point j'ai faim. Si on prend soin d'avoir toujours de quoi manger à la colocation, il faut avouer que vers les fins de mois, les quantités deviennent vites moindre et que mon estomac manque de faire entendre que j'ai préféré sauter le dernier repas afin de pouvoir acheter un peu plus de légumes pour le repas spécial qu'on avait prévu ce week-end.





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@Luan Orozco

Althea attend avec patience qu'une réponse fuse du petit groupe qui lui fait face. Bien sûr, ça lui ferait énormément plaisir que ce soit Luan qui réponde, mais ce dernier est caché sous sa capuche, à regarder par terre, et la louve peut noter la présence d'une chienne à ses côtés. Pola, sûrement, cela fait six ans qu'ils ne se sont plus parlé, mais Althea se souvient de cette chienne fidèle à Luan au point de le suivre comme son ombre.

Elle finit par reporter son attention sur un jeune homme, assez propre sur lui, lorsqu'il lance d'un ton presque sentencieux :

La cuisine est un art fin et délicat, un savant mélange de chimie qui permet de mettre en avant des goûts que seuls les meilleurs palais savent apprécier. C'est toute la différence entre une cuisine quotidienne et une cuisine d'exception comme la vôtre qui ne peut être apprécié que par ceux qui savent la décoder.

La louve ne peut s'empêcher de froncer légèrement les sourcils ; certes, elle cuisine, mais elle a toujours son employé en cuisine qui l'aide grandement, Nympheas, et elle n'est pas certaine que les clients sauraient faire la différence entre sa cuisine à lui et la sienne. Et le ton flatteur ne l'aide pas des masses à apprécier cette réponse à sa juste valeur, mais heureusement, la voix de Luan se fait enfin entendre :

L'essentiel c'est d'avoir un bon couteau. Et une casserole qui vaille le coup, et idéalement des bons ingrédients. Sans ça, tu auras beau avoir le plus fin palais d'Alicante, tu feras rêvé personne à par ton égo. M'enfin c'est que mon avis, j'y connais pas grand chose j'ai jamais pris de cours de cuisine.

Le ton incisif de Luan fait sourire Althea, qui tape dans ses mains pour ramener l'attention de l'ensemble du groupe avant de reprendre :

Les deux réponses sont complémentaires. Oui, la cuisine est un art fin et délicat, mais il faut avoir de bons ustensiles et de bons ingrédients pour pouvoir mettre en avant la finesse de votre plat. Et, bien sûr, il faut savoir associer les ingrédients, en les dosant correctement ou en sachant quelles épices vont avec quels produits.

Elle leur désigne la porte de sa cuisine :

Si vous voulez bien me suivre... Par contre, faites attention et ne touchez à rien pour l'instant, vous aurez quelque chose à faire à la fin. D'abord, je dois vous expliquer certaines choses.

La louve se tourne vers la chienne et lui lance avec douceur :

Navrée, ma belle, tu vas devoir rester là. Promis, je veille sur ton humain.

Elle lui tend alors une petite friandise, puis se dirige vers la cuisine pour leur montrer son refuge : nickel chrome, pas une tache qui dépasse, tout est parfaitement rangé à sa place au centimètre près. Ça peut passer pour un toc, elle en a bien conscience, mais pour que ses plats soient parfaits, il faut que la cuisine et la tête d'Althea soient bien rangées. Se tournant vers le groupe, elle reprend tranquillement :

Ici, les règles sont claires : tout doit être nickel au moment de la préparation du repas, du dressage et du service. Il y a une zone par ingrédient, afin de ne pas mélanger les saveurs qui n'ont pas à l'être, et chaque zone a ses ustensiles. Enfin, la propreté doit être maximale, aussi, je vais vous inviter à aller vous laver les mains avant de vous rapprocher de la grande table que vous voyez au fond, c'est là que nous travaillerons.

Elle s'écarte afin de leur laisser le passage à l'évier, puis s'approche doucement de Luan pour lui poser une main sur son bras et lui souffler en espagnol :

Tu m'as manqué, petit frère. Tu veux bien rester quand ce sera fini ? Je t'offre le café.

Puis Althea lui sourit avant de le laisser et se dirige vers la table, prête pour la suite du stage.

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@Althea Garcia  | septembre 2022




Althea sourit, je la vois en coin de l’œil tout en évitant toujours soigneusement de croiser son regard. Est-ce qu'elle se moque de moi ? Ou bien le cynisme de la situation la met-elle dans un état d'esprit particulièrement mauvais ? Je n'ai pas pu m'empêcher d'intervenir pour lancer quelques piques à l'autre, est-ce que cela l'exaspère ? Peut-être bien qu'elle va attendre un moment de flottement dans sa présentation de son stage de découverte pour me prendre à partie et me demander de dégager de sa cuisine ? Ce serait une possibilité que je pourrais comprendre. Ca me ferait chier de pas pouvoir profiter de ce cours, pour mon colocataire surtout qui s'est peut-être donné du mal pour m'inscrire dans celui-ci. Mais tant pis. Je lui devrais bien ça, en finalité. De partir sans demander mon reste, en espérant n'avoir d'elle rien d'autre que des mots acerbes - et justifiés - et non une demande d'affrontement. Je n'ai nullement envie de me battre contre elle, encore moins de la blesser et d'ajouter d'autres remords à ma longue liste de ceux qui concernent les Garcia. Sur la réserve, je l'écoute frapper ses mains pour ramener le silence dans les exclamations que nos deux interventions ont suscité dans le groupe de personnes présentes. Les mains dans les poches, je reste le plus neutre possible, sans même tiquer le moindre serrement de mâchoire face au regard mauvais que m'envoie le gars qui avait pris la parole avant moi. « Les deux réponses sont complémentaires. Oui, la cuisine est un art fin et délicat, mais il faut avoir de bons ustensiles et de bons ingrédients pour pouvoir mettre en avant la finesse de votre plat. Et, bien sûr, il faut savoir associer les ingrédients, en les dosant correctement ou en sachant quelles épices vont avec quels produits. » Ce que dit la louve est très intéressant, et confirme mon idée de base ce qui me rassure malgré moi. Parce que j'ai beau donné le change face aux discours hautains de l'autre, mais en réalité ce n'est qu'une énième façade pour cacher mes lacunes et mon manque d'expérience professionnelle en matière de cuisine. Tout ce que je maîtrise ce sont les recettes que la madre faisaient quand j'étais gamin et que je prends aujourd'hui un plaisir trop marqué à refaire, et revisiter. Pour la plus grande joie de mon colocataire qui profite de mes nouvelles lubies avec une certaine chance, je crois.  Même si je nuis pas certain qu'il apprécie entièrement mes essais culinaires ou qu'il fasse juste semblant. « Si vous voulez bien me suivre... Par contre, faites attention et ne touchez à rien pour l'instant, vous aurez quelque chose à faire à la fin. D'abord, je dois vous expliquer certaines choses. » Althea continue de parler pendant ce temps et mon attention est captée par ses dernières informations. La perspective de faire quelque chose attise ma curiosité, distillant un peu plus d'amertume si jamais la perspective de devoir quitter le cours avant la fin ne se révèle justement devinée. Au même moment, la louve se penche vers Pola et mon coeur se serre en même temps que mes poings dans les poches. Qu'elle s'adresse aussi frontalement à moi, à nous, à travers la petite chienne me tend plus efficacement que n'importe quel autre mot et je ne desserre les dents que lorsque je comprends le sens de sa phrase.
« Navrée, ma belle, tu vas devoir rester là. Promis, je veille sur ton humain. » Elle veille sur moi. Mes yeux se plissent en se posant franchement sur la jeune femme pour la première fois depuis mon entrée dans son établissement. Comment ça elle veille sur moi ? Est-ce qu'elle estime que je suis si dangereux que ça que je pourrais être une menace pour son cours ? Peut-être bien que mon couteau à la ceinture est aussi affuté que celui de ses cuisines, mais je sais me tenir et contrôler ma nervosité. Je n'ai nullement besoin qu'on veille sur moi. Cependant, cela voudrait insinuer que potentiellement, elle me laisse assister à son cours malgré tout. Ce qui est positif dans sa finalité, même si l'ensemble de l'expérience risque d'être déroutante. Tandis qu'Althea tend une friandise à Pola qui ne se fait pas prier pour la prendre dans un jappement de joie, queue frétillante et regard plein d'amour, je détourne mon regard de la louve pour me concentrer sur la porte des cuisines comme si je pouvais voir au travers, et éviter ainsi de croiser les yeux de mon ancienne sœur de meute. Une infime partie de moi lui est reconnaissante de l'attention portée à la chienne à qui j'adresse un rapide ordre en espagnol pour qu'elle reste en place en m'attendant. Chose qu'elle comprend immédiatement tant elle a l'habitude de se trouver des coins au calme le temps que je m'occupe ailleurs. Je lui suis aussi reconnaissante de ne pas m'afficher en public, ni de faire d'esclandre en ma présence et de me laisser même une infime chance d'entrer dans sa cuisine. Lieu emblématique, presque religieux, de tout bon chef cuisinier. Et de mémoire, Althea était plutôt douée là-dedans.

Suivant le groupe qui prend la suite de la louve en direction de la cuisine, toujours légèrement en retrait, j'enfonce un peu plus loin dans mes poches mes poings serrés tout en affichant un désintérêt complet pour le gars de tout à l'heure qui semble pourtant chercher à me provoquer du regard. Une fois tous entrés, le groupe s'arrête dans une ambiance générale légèrement intimidée par la pièce plus propre et rangée que n'importe quelle cuisine que j'ai eu la chance de visiter. Tout est aussi brillant que si le mobilier était tout juste sorti de son blister et par la moindre pointe de couteau ne dépasse plus haute qu'une autre. Un sens du détail et de l'ordre qui convainc immédiatement mon propre sens des choses bien propres et bien rangées. « Ici, les règles sont claires : tout doit être nickel au moment de la préparation du repas, du dressage et du service. Il y a une zone par ingrédient, afin de ne pas mélanger les saveurs qui n'ont pas à l'être, et chaque zone a ses ustensiles. Enfin, la propreté doit être maximale, aussi, je vais vous inviter à aller vous laver les mains avant de vous rapprocher de la grande table que vous voyez au fond, c'est là que nous travaillerons. » Cette fois l'excitation monte d'un coup jusqu'à faire luire mes pupilles d'une douce émotion perceptible qui s'efface pourtant rapidement quand le groupe se met en mouvement et que je sens une main se poser sur mon bras. Les muscles se contractent automatiquement, mes pies s'arrêtent, la tension monte en flèche et ma main droite se pose sur l'étui posé contre ma hanche. Geste purement instinctif et non maitrisé, celui du loup sur ses gardes qui ne baisse jamais son attention tant le danger peu venir de tous les côtés. « Tu m'as manqué, petit frère. Tu veux bien rester quand ce sera fini ? Je t'offre le café. » Je ne réponds rien, je n'y songe même pas et n'en n'aurait pas eu le temps avant de la voir sourire et s'éloigner l'air de rien. Dans mon crâne la dépression créée par ces quelques mots manque de me déstabiliser. Mon regard s'est enflammé de nuances d'un tumulte d'orage, ma mâchoire violemment contractée à fait claque les dents dessinant des lignes froides à mon visage. Petit frère. Les tambours de mon rythme cardiaque sont tels que je n'entends presque plus que leur maternellement dans mes tempes alors que je reprends mécaniquement ma marche vers les lavabos. Pola n'est pas là pour presser sa truffe contre mon mollet et sa présence me manque déjà. Elle aurait su apaiser cette montée de sentiments diverses que je n'arrive pas à identifier clairement. Remords, culpabilité, honte, joie, tendresse, désespoir. Se peut-il qu'Althea ait vraiment prononcé ces mots-là ? Qu'elle me considère encore comme son petit frère ? Ou bien s'agit-là d'une tentative de m'amadouer pour mieux me poignarder dans le dos ensuite, en juste rétribution ? L'eau froide coule sur mes poignets, inonde mes doigts, coule entre les phalanges et file en tourbillon vers le siphon. Je revois le rouge qui avait imbibé mes ongles derrière la garde du couteau. Ce liquide poisseux de l'homme qui m'avait accueilli. Non, elle ne peut pas simplement avoir dit ces mots-là avec la même signification qu'avant mon acte de trahison. Ce n'est pas un petit frère de retrouvailles émues. Mais un petit frère sournois, sarcastique, cynique. Mauvais. Un poison délicieux qui roule dans mes oreilles avec la douceur du velours non mérité. Les doigts frottent le savon avec trop d'énergie contre l'épiderme qui rougit sous l'assaut nerveux. Mon voisin d'épaule le remarque, ricane légèrement en décrochant une pique que je n'écoute pas. Ses considérations ne m'intéressent pas. Rien d'autre ne brille dans ce brouillard de remords que la perspective de la confrontation qui viendra après. Pour le café. En fin de service, en paiement de l'addition. L'analogie pourrait presque me faire sourire tant elle est ironique.

Quand je quitte enfin le lavabo pour rejoindre le reste du groupe, les mains propres jusqu'aux coudes, mon cœur s'est calmé mais mes yeux ont toujours leurs lueurs de feu ardent. Je tente tant bien que mal de rester concentré sur le seul objectif important : le cours que je dois suivre et mon envie de faire de mieux et de lui prouver que je peux être chose qu'un gars qui taillade des côtes dans le dos des autres. Une envie farouche, un besoin presque animal, de montrer que je mérite, malgré tout, ma place quelque part. Que je ne suis pas qu'un chien errant condamné à rester en arrière à la lisière du territoire des autres, constamment défié du regard. « Arrête de faire cette tête, elle a peut-être validé ce que t'as dit toute à l'heure mais t'as aucune chance. La cuisine raffinée c'est pas pour les gamins des rues. » Le murmure qui coule dans mon oreille droite fait très légèrement froncer mes sourcils. Le gars hautain à la délicatesse de croire qu'Althea n'entendra pas sa remarque, et peut-être l'espoir qu'il pourra toucher ma sensibilité. Dans les deux cas il se trompe, si l'ouïe de la louve n'est pas obstruée par une maladie quelconque il ne fait aucun doute qu'elle aura entendu, quant à ma sensibilité, il lui faudrait bien plus que des insultes ridicules pour l'exciter. Aussi je me contente de tourner un visage particulièrement neutre vers lui, tentant même de faire redescendre les éclats dansants de mes iris avant de prendre à mon tour la parole dans un marmonnement qui ne prend pas la peine d'être entièrement murmuré. « Tu te trompes, je parie que je découpe n'importe quoi mieux que tu seras jamais capable de le faire avec tes doigts de gosse de riche. » Doigts auxquels il ferait bien de faire attention, si je devais lui donner quelques conseils pratique, par ailleurs.



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@Luan Orozco

Le sourire d'Althea s'accentue lorsqu'elle tourne les talons après avoir parlé brièvement à Luan en espagnol ; quelque part, elle sait qu'il ne se dérobera pas, ou tout du moins elle espère, et il est vraiment nécessaire de briser la glace entre eux. Elle pourrait lui en vouloir à mort, mais non, la louve pardonne, elle veut comprendre ce qu'il s'est passé, et elle se doute que Luan n'est qu'une victime collatérale de son acte. Si elle lui tend la main, peut-être qu'il acceptera de la saisir et de revenir dans sa vie, comme avant...

En attendant, elle invite le petit groupe à se laver les mains et à rejoindre le plan de travail, et elle ne tarde pas à être entourée, fronçant légèrement les sourcils lorsque le hautain souffle à Luan :

Arrête de faire cette tête, elle a peut-être validé ce que t'as dit toute à l'heure mais t'as aucune chance. La cuisine raffinée c'est pas pour les gamins des rues.

Ce dernier, piqué, ne tarde pas à lui répondre :

Tu te trompes, je parie que je découpe n'importe quoi mieux que tu seras jamais capable de le faire avec tes doigts de gosse de riche.

Si la louve ne réagit pas aux propos de Luan - qui ne fait que répliquer - la phrase du hautain la fait tiquer. Ainsi, il est persuadé que la cuisine est réservée à l'élite ? Soit, il va être surpris. Le fusillant du regard, Althea reprend d'une voix assurée :

Ce stage n'a pas pour objectif de parler de cuisine raffinée, mais simplement de vous présenter la base de toute cuisine. Tout le monde peut faire de la cuisine, préparer de bons plats, l'important c'est de donner du sien pour que ce soit apprécié de tous, ou tout du moins du plus grand nombre. L'ego n'a pas sa place dans cette cuisine, vous êtes ici pour apprendre, pas pour vous la ramener.

Son regard est clairement tourné vers le hautain, le visant ainsi sans le nommer. La louve a enfilé sa casquette de chef, elle ne saurait tolérer ce qu'elle ne tolère pas d'ordinaire, à savoir qu'un cuisinier se sente pousser des ailes pour une raison ou pour une autre ; une fois assurée qu'elle a l'attention de tout le monde, ses épaules se détendent et elle reprend plus tranquillement :

Donc. Vous êtes ici pour apprendre les bases de la cuisine, certes, mais rien ne vaut comme leçon qu'un peu de pratique. Vous avez devant vous une recette simple de gâteau au chocolat en format individuel, que nous allons réaliser tous ensemble, mais vous remarquerez que les ingrédients ni les ustensiles nécessaires ne sont pas sur la table. L'objectif est simple : suivre la recette, tout simplement. Les ingrédients et les ustensiles sont derrière vous, je suis là si vous avez la moindre question. Vous pouvez y aller dans le calme.

A ce dernier mot, le groupe se disperse, et Althea vient s'asseoir sur une chaise haute, les yeux rivés sur la scène. Voyons voir comment ils vont procéder...

Luan Orozco
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@Althea Garcia  | septembre 2022




Comme je m'y attendais, la louve n'a rien perdu du murmure mauvais glissé à mes oreilles. Après avoir déposé sur l'arrogant un regard tout aussi neutre et clair que le plan de travail immaculé devant lequel on se trouve, je détourne avec une lenteur calculée, mon attention vers Althea qui fusille mon interlocuteur de ses yeux de cheffe énervée. Elle n'a pas apprécié l'échange que ses deux jeunes stagiaires viennent d'avoir dans l'insolence de sa cuisine. Cela pourrait me faire sourire, si je n'avais pas la menace de ses phrases précédentes qui continuent de sonner en sourdine les alertes d'alarmes.  « Ce stage n'a pas pour objectif de parler de cuisine raffinée, mais simplement de vous présenter la base de toute cuisine. Tout le monde peut faire de la cuisine, préparer de bons plats, l'important c'est de donner du sien pour que ce soit apprécié de tous, ou tout du moins du plus grand nombre. L'ego n'a pas sa place dans cette cuisine, vous êtes ici pour apprendre, pas pour vous la ramener. » Un éclair narquois filtre dans mes iris et je ne retiens le sourire froid qu'au dernier moment. Je ne lui ferais pas l'honneur d'avoir réussi à faire vibrer mon masque de neutralité. Ce gringo ne le mérite pas. Althea pourrait, mais nous n'en sommes pas encore là. Il est inutile de se concentrer sur les chimères de plus tard pour le moment. Ce n'est pas comme si j'avais le moyen de changer ce vers quoi chaque minute qui passe nous entraîne, inéluctablement. Tout ce que j'espère, c'est qu'elle me laissera retrouver Pola avant de déverser sa rancœur contre moi. Un infime tique nerveux contracte mes mâchoires à la pensée que ce puisse ne pas être le cas. Savoir la petite chienne toute seule pendant aussi longtemps me met dans un état de stress qui n'arrange en rien la nervosité qui grignote déjà mes nerfs. Sans elle, je sais que je vais avoir plus de mal à calmer la tension et repousser une éventuelle crise de panique qui pourrait surgir. J'évite un maximum de songer à celles-ci, encore moins de les reconnaître comme existantes, mais je ne suis pas entièrement dupe à leur sujet. Et leurs déclenchements sont souvent liées à des thématiques précises dont la meute de Bogota tient malheureusement une place privilégiée. « Donc. Vous êtes ici pour apprendre les bases de la cuisine, certes, mais rien ne vaut comme leçon qu'un peu de pratique. Vous avez devant vous une recette simple de gâteau au chocolat en format individuel, que nous allons réaliser tous ensemble, mais vous remarquerez que les ingrédients ni les ustensiles nécessaires ne sont pas sur la table. L'objectif est simple : suivre la recette, tout simplement. Les ingrédients et les ustensiles sont derrière vous, je suis là si vous avez la moindre question. Vous pouvez y aller dans le calme. » Sa voix plus calme recentre mes pensées vers l'objectif : le cours de cuisine. Et la réalisation d'un gâteau au chocolat, donc. Mes yeux trouvent la recette et l'autre gringo s'amuse immédiatement à la décaler légèrement vers lui. Geste puéril qui me donne envie de lui planter une lame dans le dos de la main pour voir s'il parviendra encore à faire glisser des choses sur la table. Un bouffée de violence froide, calculée, habituée à noter les mouvements et les opportunités. Mais mes propres mains restent en boule dans les poches de mon pantalon, immobiles. Les muscles n'ont même pas frémi sous la pulsion, trop habitué à exercer un contrôle incisif sur celles-ci. Il m'en faudrait plus pour perdre pied, surtout face à un amateur aussi sûr de lui.

Comme précédemment, les autres stagiaires se pressent vers les placards derrière nous à la recherche des ustensiles et ingrédients nécessaire, tandis que je prends mon temps. Ma hanche se pose même nonchalamment contre la table pour mieux détailler les éléments de la recette qui, même légèrement détournée de mon sens de lecture, s'imprime seconde après seconde dans ma rétine. Comme pour les coups de couteau et les affaires soignées, je fonctionne avec précision et efficacité quand je cuisine. Sans précipitation, mais sans perte d'énergie non plus. Je ne compte pas faire cinquante aller-retour entre l'endroit où sont les ingrédients, et ma table de travail. Aussi, ce n'est qu'une fois sûr de moi que je prends à mon tour d'un pas trainant la direction de la table et des placards où sont rangés tout le nécessaire à la préparation des gâteaux. Rapidement je me retrouve avec un saladier, une casserole et un fouet en main, ainsi qu'une petite balance plate. J'attrape au passage un bol assez large pour le remplir de farine à la louche, une façon de faire peut-être peu conventionnelle, mais qui m'importe peu. Je ne suis pas là pour me montrer en spectacle, mais pour faire un gâteau, et peut-être confronter mes habitudes à de véritables connaissances culinaires. Au fond, ce qui compte c'est le résultat et la volonté d'apprendre des tips pour la suite. Les oeufs, le bol de farine, le chocolat et la levure rejoignent le saladier m'économisant ainsi trop de déplacements. J'hésite pourtant avant de repartir, avant d'attraper un couteau en plus, et de retourner vers le reste du groupe.

Quand je rejoins enfin ma table, le Gringo - ce sera son nom à défaut de connaître le vrai, et d'avoir envie de le connaître - est déjà attablé et actif comme s'il comptait finir en premier pour prouver à tout le monde à quel point il est efficace. L'envie de lui glisser un coup de coude par mégarde dans les côtes fait vibrer les bras cette fois, mais je me retiens. Pourtant je visualise très bien l'endroit qui serait parfait pour trouver le nerf qui ferait instantanément bouger sa poitrine et lui couper le souffle. Le corps humain n'est qu'un réseau de mécanismes accrochés les uns aux autres, savoir où frapper pour trouver les conséquences attendues est mon point fort. Nerea, cette mère imparfaite mais essentielle, m'avait tout appris de ses années de médecine. Une fois tout déposé devant moi, je commence de cette lenteur de gestes précis à séparer les ingrédients et préparer mon espace de travail. Une fois que tout est bien placé, mes doigts effleurent le manche du couteau emprunté par respect pour la cuisine d'Althea plus que pour autre chose - sans quoi je me serai servi de celui qui est accroché à ma ceinture. Mais l'hygiène étant ce qu'elle doit être, j'attrape le manche pour soupeser l'ustensile avant de le planter d'un geste vif dans la tablette de chocolat. C'est peut-être inutile, et le Gringo à l'air de le penser au vu du regard interloqué qu'il vient de me jeter, mais personnellement ça me fait marrer intérieurement. Ce n'est que du décorum, qui lui est entièrement destiné. J'aurais pu couper les carrés à la main, mais mon pari précédent aurait eu beaucoup moins de poids. De même que ma menace muette concernant ses doigts. Un léger mouvement d'épaules qui se raidissent à ma gauche suffit à me faire imaginer qu'il se sent soudain mal à l'aise quand sous l'action de la lame qui tranche de coups secs et précis de parfait carrés de chocolat. Si l'acte est purement esthétique, il n'en reste pas moins une magnifique illustration des talents qui se cachent derrière ma tête de gamin des rues. Pour reprendre ses mots.

Le chocolat mis à fondre au bain marie, la pâte commencée à être suffisamment travaillée, et le couteau soigneusement nettoyé et remis bien en évidence entre le Gringo et moi, je me détourne soudain de ma préparation pour aller droit vers les épices précédemment aperçues pour aller chercher un morceau de curcuma sans même songer à demander l'autorisation de la louve qui doit pourtant suivre le moindre de nos gestes avec une attention sévère. Sans parler de sa recommandation de suivre la recette explicitement donnée. Mais les gâteaux au chocolat sans curcuma, je trouve ça personnellement particulièrement fade, et je ne suis pas de ceux qui cuisinent des choses qui ne les intéressent pas. Nerea ne savait pas cuisiner grand chose, mais le souvenir de ses petits fondants tout chauds sorti du four ne m'a jamais quitté. Et si avec les années, c'est moi qui les préparaient pour elle, quand elle finissait à déverser sa rage de l'alpha et des choix pris pour la meute dans ses bouteilles de guardo, je n'ai jamais dérogé à notre recette : un petit morceau de curcuma frais à placer a cœur du gâteau.

Revenu devant ma préparation, la voix de l'autre perce à nouveau ma bulle de silence : « Un tricheur, évidemment. Incapable de suivre une recette sans vouloir se la jouer faux petit génie de la cuisine. » Je hausse les épaules, sa remarque m'indiffère et je me contente de verser le chocolat fondu dans ma pâte sans lui accorder le moindre regard. « Madame, loin de moi l'idée de passer pour un connard mais il veut faire sa propre recette. » Je dois me retenir très fort de ne pas rouler des yeux au ciel devant la puérilité de son comportement et je me contente d'ajouter d'une voix plate : « Il me semble que Madame à des yeux et connait sa recette par cœur et se doute que je ne suis pas allé du côté du sel parce que son beurre en manquait. » Son agacement devient de plus en plus énervé et je sens les efforts qu'il fait pour garder un maximum de calme, sans y parvenir. « Mais si on pouvait changer la recette moi aussi j'aurais apporté des éléments en plus. Sauf que j'ai déjà fini, donc c'est pas juste. » Je hausse une deuxième fois les épaules avant de couler un regard exagérément visible vers le couteau posé entre nous, avant de remonter vers ses yeux. « C'pas de ma faute si t'as pas le goût du risque. » Détournant mon attention vers Althea, je pousse pourtant la justification jusqu'à elle, plus par sentiment d'obligation que par volonté de m'excuser : « J'ai pas l'habitude de cuisiner des trucs alors que je sais très bien que le goût sera plat et que je me ferai chier en le mangeant. On a tous des cultures différentes ici, c'est dommage de devoir se formater les uns aux autres. Et ma cuisine, elle est épicée. C'est tout. Et ce n'est que du curcuma, j'ai pas mis d'achiote, même si j'imagine que tu dois en avoir ici. Ca m'intéresse d'ailleurs, mes propres stocks se sont vidés et c'est compliqué d'en trouver à Alicante. » Mon regard se fait perçant sur elle, presque sauvage, impertinent à mêler soudain le professionnel de sa situation et le personnel d'un langage qui a glissé vers une ancienne familiarité qui est revenue plus facilement que je ne m'y attendais. Et qui me surprend moi-même, dans une dépression sanguine qui fait accélérer les battements de mon cœur de façon significative.




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@Luan Orozco

Pendant qu'ils s'exécutent, Althea garde toute son attention rivée sur eux, notamment sur Luan et son camarade qui la ramène toujours pour montrer qu'il est intéressant. Déjà, que Luan sorte des sentiers battus en coupant le chocolat avec un couteau, au lieu de casser les morceaux de la tablette avec les mains comme n'importe qui - ou presque - fait sourire la louve, pendant que l'autre observe Luan avec un air... surpris, mais Luan semble s'en moquer. Bien, songe-t-elle en restant parfaitement immobile, il sait gérer la pression, c'est une bonne chose.

Elle-même reste de marbre en avisant Luan s'approcher des épices pour prendre un morceau de curcuma, qu'il ajoutera plus que probablement dans sa recette, mais elle ne peut que difficilement retenir un geste d'agacement lorsque le rival de celui qu'elle considère comme son frère se dépêche de le balancer. Inutile qu'elle intervienne, cependant, car Luan ne se laisse clairement pas faire, faisant s'arrêter tout le monde pour avoir la suite de la dispute, et la louve ne peut s'empêcher de ressentir un brin de fierté lorsque Luan, s'adressant à elle, pousse la justification à son goût du risque :

J'ai pas l'habitude de cuisiner des trucs alors que je sais très bien que le goût sera plat et que je me ferai chier en le mangeant. On a tous des cultures différentes ici, c'est dommage de devoir se formater les uns aux autres. Et ma cuisine, elle est épicée. C'est tout. Et ce n'est que du curcuma, j'ai pas mis d'achiote, même si j'imagine que tu dois en avoir ici. Ça m'intéresse d'ailleurs, mes propres stocks se sont vidés et c'est compliqué d'en trouver à Alicante.

Je pourrai te dépanner sans souci.

La voix d'Althea tranche, par sa douceur, avec l'ambiance quelque peu tendue. Cependant, lorsqu'elle s'approche, il est aisé de sentir, au fur et à mesure qu'elle comble l'écart entre elle et l'autre abruti, qu'elle n'aime pas qu'on trouble la quiétude de sa cuisine, et c'est ce qu'il fait en dénonçant Luan. Elle n'est peut-être pas très grande, mais elle n'a pas besoin d'être grande pour imposer le respect, alors qu'elle se plante devant l'enquiquineur de service avant de siffler :

Peut-être qu'il a triché, mais la cuisine est un monde de prise de risque. Et s'il est le seul à avoir pensé au curcuma, qui apporte un goût plus épicé au chocolat, il n'est pas le seul à avoir pris des risques, même s'ils sont discrets.

Les autres participants se sentant visés chuchotent entre eux, et, sans se départir de son calme, elle voit son vis-à-vis se ratatiner avant qu'elle n'enfonce le clou :

A force de vouloir paraître parfait, vous passerez pour quelqu'un de fade. Il faut oser vous lancer, oser sortir des sentiers battus, et, surtout, par pitié... Vous occuper de vos affaires. C'est insupportable d'entendre un membre d'une brigade balancer ses camarades pour bien paraître aux yeux du chef de cuisine.

Se tournant vers le reste de ses élèves du jour, les épaules de la louve se détendent et elle conclut avec plus de chaleur dans la voix :

Je vous félicite pour votre participation à tous ! N'hésitez pas à revenir si ça vous a plu, vous serez toujours les bienvenus, et n'oubliez pas : osez prendre des risques, même discrets. Parfois, une pincée de curcuma peut sauver un plat. Bien entendu, vous pouvez repartir avec vos œuvres, bon appétit et peut-être à bientôt !

Elle leur sourit et les invite à s'exécuter, sans davantage prêter attention à l'abruti qui regarde désormais ses pieds, honteux, se rapprochant de Luan et lui soufflant avec douceur :

Si tu veux de l'achiote, viens avec moi, j'en ai dans ma réserve. Autant que je te passe tout mon stock, je ne suis pas fan du goût que ça donne.

Gardant son sourire, elle sort de la cuisine, poussant un léger soupir, pour aller rejoindre ses placards d'épices en réserve. Un peu de calme, ça ne fera pas de mal, honnêtement...

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