ANIMATION || Luan & Olympe

Ce soir chez Boris

@Olympe de Briant | 2022

Pourquoi, déjà, j'ai accepté de venir ici ? Ca sent la mort à tous les coins de la salle, la musique est passablement à mon goût, l'odeur du sang frais servis par les barmans est aussi alléchante que dégoûtante, et en plus, je déteste danser. Autant, faire de la musique, claquer des talons en rythme, oui, avec grand plaisir. C'est même l'une des seules choses qui est capable de traverser les kilomètres de murailles de protection et de contrôle que j'exerce sur moi au quotidien. La musique transcende ma vie, ma condition, mon passé pour donner la meilleure image de moi-même. Pourtant, je n'arrive pas à me laisser entièrement submerger par cet état, quand je n'ai pas moi-même un instrument entre les mains, et un micro pour chanter quelques paroles d'une gaieté mélancolique. Non, vraiment, je suis incapable de me rappeler pourquoi j'ai accepté de venir ici ce soir, avec trois autres personnes de la meute.
Enfin si, je sais, évidemment, une histoire d'argent, de paris, de jeux et de récompense à la clé suffisamment alléchante pour me faire céder. Une promesse de contrat, pour quelques heures passées ici, à accompagner ces trois loups dans leur virée nocturne. Iels comptaient sans doute sur ma présence pour assurer leurs arrières dans ce milieu plutôt hostile que peut être le quartier des vampires. Sauf que mon humeur a besoin d'alcool pour supporter l'odeur âcre qui perturbe mes sens lupins. D'ailleurs, mes acolytes du soir semblent être du même avis et j'ai perdu le compte des verres que nous avons déjà commandés les uns et les autres. Ca promet un beau mal de tête demain matin. La musique continue de tambouriner dans mes oreilles, et je profite de l'arrivée d'un groupe de personnes dans mon espace vital pour me faire doucement pousser vers l'extérieur de la piste de danse avec soulagement, prenant immédiatement la route du comptoir pour me commander une nouvelle boisson. Un cocktail, pour changer de la bière insipide qui est servie. Une fois mon London Mule en main, je cherche vaguement du regard les trois autres loups, sans les apercevoir, et entreprend de traverser la foule d'un pas incertain et entièrement désabusé par la situation quand un coup dans mon dos me fait retourner vers l'importun - l'importune en l'occurrence - et dans un geste un peu trop vif, je renverse une large partie de ma boisson même pas encore entamée sur le corps de la blonde qui me fait face. Mon propre dos, humide, m'indique clairement que son verre à probablement subis le même sort que le mien et cela m'agace encore plus. « Eh ! Mais fais attention marica ! Quand on tient pas l'alcool on reste sagement à sa place au lieu d'en foutre partout. Et puis ça coûte une fortune ces trucs-là, mierda. » Les insultes sortent trop naturellement en espagnol quand l'alcool se mêle à ma langue comme ce soir. Le ton est plus vivant que d'ordinaire aussi, plus agressif, plus tranchant. Aiguisé comme la lame du petit couteau dissimulé dans ma ceinture. Un truc appris dans la rue, cacher ses armes, même aux mains habituées à chercher des lames.