J'ai besoin de parler [Charlie]

Je n'avais rien de prévu aujourd'hui. Et aussi étonnant que ce soit, hier soir, je suis simplement resté chez moi, sans sortir, sans boire plus de deux verres, ce qui était vraiment raisonnable quand on sait qu'au moins une fois par semaine, je finis en cellule de dégrisement et que les autres soirs, je réussis à rentrer sans parfois savoir comment. Et puis, je suis professeur, il faut bien que je bosse mes cours de temps en temps. Comme ça Olympe n'aura rien à me reprocher, même si avec le recul, je suis plus du genre à arriver les mains dans les poches et improviser. Mais pas toujours. La preuve, je bosse parfois. La magie noire n'est pas une discipline ou l'improvisation à sa place, ce qui est ironique quand on me voit. Je ne suis pas exactement ce qu'on attendrait d'un professeur dans une académie, mais j'imagine qu'on a pas trouvé mieux. Après,, je suis un spécialiste dans ce domaine et rare sont les sorciers encore en vie à être à mon niveau. Sans vouloir me jeter des fleurs. Ce n'est pas mon genre. Du moins si, mais pas ces derniers temps. Et mon ancienne vie, mon ancien moi me manque parfois, parce que c'est plus facile de dire que rien ne m'atteints quand j'ai encore les êtres qui me sont chers à mes côtés. Et dire que je suis reparti à Edom pour les sauver et que c'est une guerre qui me les a enlevés.

Alors, quitte à être de bonne humeur et de ne pas avoir la gueule de bois habituelle, je décide de prendre de l'avance sur la préparation de mes cours. Après une bonne douche, je me prépare un café et attrape plusieurs livres que j'ouvre sur les sujets que je voulais étudier avec mes élèves. Je n'avais pas encore décidé quel sujet aborder, alors je verrais bien celui qui me tente le plus. C'est alors que j'allais m'y mettre qu'on frappe à la porte. Je soupire, n'ayant absolument pas envie de voir qui que ce soit, mais ça pouvait tout aussi bien être une rencontre que j'avais oublié. Cela ne serait pas la première fois que j'oublie mes amis parce que j'ai la tête à l'envers. Alors, bon gré mal gré, je vais ouvrir.

La surprise est de taille. Je m'attendais à tout, sauf à voir Leona sur le pas de ma porte. Pas que je n'étais pas content de la voir, mais en un coup d'oeil, je comprends que ça ne va pas. J'eus un léger sourire sur les lèvres à ses dires et lui fais signe de rentrer. Elle n'habitait plus avec moi, mais elle était toujours la bienvenue. Ce qui n'était pas donné à tout le monde. Je l'observe quelques secondes. " Tu as bien fait de venir." Je passe mon bras autour de ses épaules dans une accolade presque maladroite, mais teintée d'affection. " Tu veux un thé peut-être ? Je crois qu'il m'en reste un peu de celui que tu aime bien. Sinon, j'ai du café." C'est comme elle veut et je sais que la brusquer ne sert à rien quand elle est dans cet état. Nous avons passé des jours et des jours dans le silence, n'échangeons que quelques mots parfois, lors de notre cohabitation, je sais à peu près comment elle fonctionne. Je range un peu mes livres pour lui laisser la place de s'installer.

Si je me suis imposé une sorte de solitude après la mort de mes deux enfants, c'était sans compter sur la présence de Léona. On a cohabité plusieurs mois, passant parfois des jours sans rien dire, emmurer dans nos propres souffrances, mais tout de même conscients de la présence de l'autre. Et sans avoir besoin de parler, nous avons partagé beaucoup de choses. Aujourd'hui elle va mieux, du moins j'aime à la croire, alors que moi je suis toujours plus ou moins au même point. Parce que je suis en colère, contre moi-même en premier lieu et que tant que je n'aurais pas fait la paix avec ça, je ne pourrais pas pleinement continuer d'avancer. Mais aujourd'hui, tout cela allait être entre parenthèses, Léona était venue me trouver et je me doutais que ça n'allait pas fort. Pas besoin de mot, ça se voyait sur son visage. Alors tout naturellement, je la fais entrer chez moi et après une accolade un peu maladroite, je lui fais signe de faire comme si elle était chez elle. Parce que c'était un peu le cas. Lui demandant si elle voulait boire quelque chose, je pars donc vers la cuisine faire deux cafés. Elle s'excuse même de me déranger." Tu ne me dérange pas, je prépare simplement quelques cours d'avance, tu sais, au cas-où." u cas-où je ne suis plus aussi bien pour préparer quoi que ce soit. J'improvise dans ce cas là, mais ce n'est pas forcément ce qu'il y a de mieux.

Être professeur ce n'est pas si mal, même si je refuse d'être le mentor personnel de qui que ce soit désormais. J'ai assez donné de ce côté-là. Je la laisse quelques secondes, le temps de faire couler le café dans les tasses et je me demande bien ce qui se passe pour qu'elle vienne me voir dans cet état. Elle a l'air bouleversée, mais je ne saurais être plus exact. Tasses en main, je reviens vers elle pour voir qu'elle pleure ? C'est du moins ce que j'en déduis en voyant une larme sur sa joue. Je pose les tasses sur la table et me dirige vers elle. " Dis moi ce qu'il se passe, Leona." Je ne pouvais pas l'aider dans le cas contraire et si elle était venue, c'était sans doute pour trouver une forme de réconfort que je ne pouvais pas lui refusé. Je la connaissais depuis trop longtemps et nous avons partagé tant de choses au travers de nos silences et de nos regards parfois. Parce que malgré tout j'ai un instinct presque paternel envers elle, une envie de la protéger de ce monde, mais je ne suis pas dans la capacité de le faire normalement. " Allez, viens." Je passe mes bras autour d'elle, qu'elle pleure si ça lui fait du bien, je ne suis pas là pour la juger.